lundi 19 octobre 2009

VINCENT S'ENHARDIT



On se rappelle forcément de cette jolie frimousse blondinette en pleine crise de rire avec Roger Zabel lors des Jeux d’Atlanta de 1996. Impossible aussi d’oublier ce dynamisme dominical qui le caractérisait quand il ponctuait d’un bon mot les longues tirades dithyrambiques de Pascal Praud à la suite d’un pourtant bien terne Bastia – OGC Nice. C’est un Vincent Hardy pourtant écœuré et revanchard que nous avons eu le bonheur de rencontrer. Las, déçu par ce milieu du football qui ne fait finalement pas de cadeau, et qui surtout ne le fait plus rêver. Féru de ballon rond, inconditionnel amoureux du jeu en une touche de balle, dans la veine du grand Martigues de la saison 1993, mais un peu trop tendre pour dominer de la collerette et des épaules une bien impitoyable basse cour, Vincent Hardy est aujourd’hui salarié d’une boîte produisant des moquettes synthétiques en Belgique. Enfin un terrain ou Vincent se dévergonde et tacle tout azimut ? Entretien.


Paris-Billund
: Vincent, tout d’abord, merci de nous accueillir du coté de chez toi à Namur. On peut parler d’une reconversion exemplaire et réussie dans l‘habillage synthétique des sols. J’apprécie tout particulièrement cette belle moquette couleur « pamplemousse de Floride » jonchant ton salon.

Vincent Hardy : Tu sais entre la moquette synthétique et moi, c’est une longue histoire. Plus longue qu’on ne le croit d’ailleurs. Petit, j’aimais construire des répliques d’airbus, de concorde. Je voulais être maquettiste. Puis au gré de petit caprice et de confusions en tout genre, je me suis renseigné sur l’activité de « moquettiste ». Erreur que je ne regrette pas aujourd’hui. J’ai finalement suivi une formation de journaliste sportif, mais je savais que la moquette sonnerait de nouveau un jour le tocsin de ma vie. Plus tard, J’ai eu de nombreuses altercations avec les dirigeants de TF1 quant à la déco du plateau de téléfoot. Je trouve qu’une belle moquette « feuille d’acacia des Apennins », comme celle là ( Ndlr Vincent nous montre un échantillon de cette moquette qu’il trimbale dans un dossier), aurait donné un second souffle à l’émission. Mettre un peu plus de couleur si tu préfères. On aurait retrouvé, selon moi, les effluves colorées d’une douce pelouse de province arrosée en plein cagnard. Le vrai foot quoi. TF1 n’a jamais voulu. A partir de là, notre collaboration a pris un peu de plomb dans l’aile.

« En tant que fan de moquette, je ne pouvais pas aimer l’OM de Tapie, je crois que le milieu du foot ne me l’a jamais pardonné »

Paris-Billund
: Revenons en un peu au football. Et à la genèse de ce dégoût prononcé pour ce milieu.

Vincent Hardy : (il coupe). Attends, je reste un mordu de foot. Si tu veux tout savoir, tu devais encore téter le sein de ta pauvre mère quand je m’émerveillais pour les exploits, et autres chevauchées fantastiques des Fred Tatarian, William Prunier et Kader Ferhaoui. Ces mecs là, j’en avais plein le cervelet, et plein les murs. J’ai eu des désaccords avec mes proches refusant que je placarde encore le domicile familial de posters et autres photos dédicacées. D’ailleurs, je le dis à tous les jeunes qui nous lisent. Un poster d’Ali Benarbia à son époque girondine ne peut en aucun cas se marier avec une moquette violette type fuchsia de camargue. Ca relève de la faute de goût agressant l’iris, et secouant le regard. Enfin tu vois, je commence à parler moquette, chassez le naturel, il revient au galop comme on dit chez moi.

« Petit, déjà, mon résistant préféré, c’était Guy Moquette »

Paris-Billund : On dit ça chez moi aussi. On dit que la frustration te serait venue du remplacement de Roland par Gilardi te laissant du même coup dans ton coin peu en vue, ni en lumière.
Vincent Hardy : Ce ne sont que des simagrées de journalistes en mal de sensations fortes. Je connais bien T.Gilardi, j’ai posé sa moquette dans son nouveau bureau de Boulogne. Ca forge des liens. Déguiser un sol, c’est entrer dans les entrailles de l’inconscient d’autrui pour en ressortir muni du cocktail de couleurs le plus adapté à leur souhait. Thierry était un bon-vivant, un peu ombrageux, mais dévoué à sa tâche. Je lui ai concocté une petite tapisserie vermillon 100% poils de dromadaire à pas piquer des hannetons. Il en était ravi. Non je l’aimais bien ce type. C’est vrai que j’aspirais à mieux. Je rêvais de coupe d’Europe, on me filait que des derbys alsaciens. A partir d’un moment, tu as beau encenser Wilfried Gohel et sa jolie tignasse de viking, la magie n’opère plus. J’ai touché le fond à ce moment là avec tout ce que ça implique. Je n’allais plus aux toilettes, je parlais indonésien à mes proches, je mangeais le noyau des cerises. Une période moche et triste.

Paris-Billund : On comprend mieux le cheminement de ta carrière. Quels sont tes projets pour l’avenir désormais ?

Vincent Hardy : Le parquet. Je crois avoir fait le tour de la moquette. Puis avec l’arrivée de la concurrence yéménite et fidjienne, en prenant en compte la faiblesse relative du dollar fidjien, idéale pour l’exportation, la moquette européenne a du souci à se faire. Pour discuter technique, les yéménites ont sorti une nouvelle race de moquette. Un truc peu raffiné, mais qui utilise du velours du Jylland et de la résine de peau de gnou. Tout ça dans un même produit, c’est une véritable révolution dans l’industrie des sols stratifiés. Alors, un soir, je me suis bougé. J’ai imaginé le parterre de demain, le bourreau du carrelage. La réponse était limpide : Un parquet couleur clémentine en wacapou du centrafrique. Je bosse les premières maquettes là, je crois qu’on détient un truc qui nous permettra de ruler et rouler le monde. The world is mine !


*Le contenu de cette Interview ne saurait prétendre incarner la réalité.